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LA VIE DE SON ESPRIT

fois l’amour de toutes les révoltes et celui de l’étude intérieure. Puis voici qui lui plaisait encore davantage, parce que l’incitant à se défier, s’il voulait exactement savoir, d’un sentimentalisme outrecuidant : « L’on se croit souvent animé ou d’un sentiment unique ou de sentiments différents de ceux qui nous meuvent ».

Merveilleux pour un chercheur de science et de vérité tel que Rimbaud ! Helvétius prend l’idée, la décompose, en montre le mécanisme. Inspiré par La Rochefoucauld pour sa morale de l’intérêt, disciple de Locke en ce qui concerne les origines de la pensée, il fonde ce que l’on pourrait appeler le matérialisme intellectuel. Rien dans l’esprit qui n’ait d’abord été dans les sens, aucun mouvement d’esprit qui ne vienne de la sensibilité physique. Étudions, exerçons, cultivons celle-ci. Pendant des années, il a lu, regardé, écouté, accumulé notes sur notes où il fixait tout ce que peuvent donner les sensations d’art, les acquisitions historiques, philosophiques, les observations sur les passions ambiantes, sur les siennes, — même des