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LA VIE DE SON ESPRIT

sieurs fois : « Je te prêterai les ouvrages d’Helvétius », et un jour il répondit, soucieux, à ma demande : « Mieux vaut que tu ne le lises pas !… »

Enfin, ce qui l’avait déjà choqué dans Rousseau : le patriotisme combatif, il le retrouvait chez Helvétius, aggravé de l’idée de gloire et de puissance. J’ai raconté[1] qu’ayant assisté à une revue de l’armée prussienne, il répliquait à une observation de moi sur la belle organisation de celle-ci par une sortie violente contre la gloire militaire, contre tous les orgueils nationaux, et il allait jusqu’à cette théorie, que l’on trouvera certes bien étrange : « L’infériorité des Allemands c’est qu’ils ont la victoire… Oui ! à cause de cela et par rapport à nous vaincus, ce sont des arriérés, des distancés, positivement des inférieurs[2] » !…

  1. Rimbaud (édition de la Revue littéraire de Paris et de Champagne).
  2. Rimbaud pensait que le progrès général — auquel il croyait alors — amènerait la fin de l’esprit guerrier. A cette époque on pouvait avoir cette illusion ; mais ce qui vient de se passer en Europe — nous