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LA VIE DE SON ESPRIT

Il m’expliqua comment ce rude avait, à ses yeux, le grand mérite d’être simple et près de la nature ; comment dans ses paroles naïves ou grossières on devait voir plus de générosité, plus de bonté franche et cordiale, plus même de vrai bon sens que dans la conversation de maints bourgeois instruits, cossus, hypocrites et orgueilleux que nous connaissions[1].

Ce sentiment d’égalité intransigeante formait l’indestructible base de sa mentalité. Il en avait trouvé sans doute le germe en ses enfantines indignations contre le conservatisme maternel, qui s’affirmant dédaigneux et autoritaire, s’alliant, ainsi que trop souvent il arrive, à une religion peu éclairée, le poussa à rejeter aussi la foi catholique :

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Et si l’ayant surpris à des pitiés immondes,
Sa mère s’effrayait, les tendresses profondes
De l’enfant se jetaient sur cet étonnement

  1. Il y a une théorie assez analogue dans l'Emile ; justement Rousseau parle aussi d’un maçon : réminiscence chez Rimbaud peut-être, mais, non moins vraisemblablement, rencontre des deux esprits.