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LA VIE DE SON ESPRIT

tiste comme Rimbaud ; et de fait, cette lecture lui causait des impressions bien diverses. Helvétius entreprend de démontrer que l’intérêt, l’amour de soi, le besoin de plaisir seuls nous guident et nous déterminent, que de là viennent, sans exception, nos qualités, nos défauts, nos talents, nos actes les pires, nos actes les meilleurs. Une pareille théorie, venant à l’encontre des morales convenues, pouvait satisfaire le jeune insurgé, mais Helvétius a mentionné aussi l’amour de la gloire comme excellent mobile pour conduire à la vertu, pour faire des hommes supérieurs et l’idée de supériorité individuelle répugnait invinciblement à Rimbaud. Je me souviens que, certain après-midi, lui et moi, nous promenant par les rues de Charleville, fûmes obligés par une soudaine averse de nous abriter dans une maison en construction où nous trouvâmes un maçon très ivre, et fort expansif, dont la conversation parut stupide à ma superficielle jeunesse. La pluie ayant cessé, nous sortîmes, je reparlai du maçon, exprimai sur son compte des opinions moqueuses. Mon ami fut d’un avis tout contraire.