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AVANT-PROPOS

puisqu’il faut vivre avec le poète pour le lire et pour le comprendre. Puis cent anecdotes lui avaient fait une notoriété confuse : pour les uns il était un satyre dont on accueillait le nom avec des curiosités méfiantes, pour d’autres un amusant bonhomme, quelque peu scandaleux par sa mauvaise tenue, sorte de clown ayant besoin de pitié et surtout d’indulgence. Les âmes qui aiment son génie ne pouvaient qu’en souffrir, une justice leur était due : remplacer les légendes par la simple vérité, faisant voir ce qu’est un intelligent, un délicat, un sensible, montrant l’enchaînement des circonstances qui le conduisirent, innocent, jusqu’au dénuement absolu : rendre ainsi à la poésie ce respect dont nous la voulons entourée. Et c’étaient à décrire bien des péripéties d’une vie dramatiquement remplie.

Le cas de Rimbaud est différent. D’abord une partie de ses poésies, presque impersonnelles, se compose de descriptions, de tableaux, d’objectivisme. Par exemple, c’est bien lui qui vit dans Une Saison en Enfer et dans bonne moitié des Illuminations, mais il s’agit de « combats spirituels », d’agitations psy-