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LA VIE DE SON ESPRIT

— Pourquoi pas ?… Croyez-vous que l’homme primitif vous était inférieur et connaissait autant que vous cette chose que je vous opposerai toujours, parce que vous reculerez toujours devant elle : la souffrance… ? Vous célébrerez au besoin la beauté des vices, mais vous ne voudrez pas souffrir, et malgré ce que vous pourriez dire sur la splendeur d’une vie intense, vous aurez malgré vous le désir, l’impérieux besoin du repos, du calme, c’est-à-dire du bonheur, du seul bonheur. Et ce qui s’oppose à votre bonheur c’est l’orgueil. Et ce qui fait que peut-être il eût été préférable pour vous de rester sauvages, c’est que vous n’êtes sortis de la sauvagerie que pour devenir, les uns des aristocrates et les autres des esclaves, c’est-à-dire tous des méchants, des voleurs, des injustes, des oppresseurs, des haineux, des envieux… c’est-à-dire tous des malheureux !

On serait porté à s’écrier : « Paradoxe joli ; mais pas davantage ! »… comme disaient bien des contemporains qui ne savaient encore où il allait en venir, si l’histoire ne nous