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LA VIE DE SON ESPRIT

et les plus puissants, il est présenté, reçu, choyé même, dans la société la plus aristocratique et la plus raffinée. Et on lui dit ; — Cette politesse, cette douceur élégante, ce besoin d’intellectualité, c’est le produit de la civilisation, c’est le résultat du progrès des lettres, des arts et des sciences… Voyez ! l’homme devient meilleur…

Rousseau dit : Non ! L’homme ne devient pas meilleur. Il devient, au contraire, plus mauvais. Et s’il continue dans cette voie, il deviendra pire encore…

Ah ! Rousseau aperçoit tout, il prévoit tout, jusqu’aux amoralistes de nos jours, et pour empêcher que ce doute ne soit émis : « Qu’importe qu’il soit meilleur ? » il ajoute : — L’homme devient pire… contre son propre intérêt. Car il souffre davantage. Là où vous voyez le progrès je vois l’orgueil, où. vous voyez l’humanité en marche vers la liberté et la connaissance, je vois l’accroissement du mal et je vois l’accroissement de la servitude…

— Mais alors, à votre compte, il vaudrait mieux être des sauvages ?