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LA VIE DE SON ESPRIT

passionnera dans l’histoire du monde c’est moins le guerrier que le penseur, moins la marche des faits que celle des idées qui les déterminent.

Et il faut, pour bien expliquer sa vie mentale, revenir sur l’action exercée par l’enseignement secondaire classique tel qu’il est organisé en France. Toujours celui-ci fait marcher côte à côte l’antiquité et les temps modernes. Au moment où Rimbaud apprenait l’existence et le rôle des « philosophes » du temps de Louis XV, il se trouvait conduit à lire le poète latin Lucrèce. La cause occasionnelle fut toute simple. L’auteur du De natura rerum était l’ami de Cicéron, Virgile l’imita, Ovide avait pour lui une admiration affectueuse. Il n’en fallait pas davantage pour attirer sur son œuvre la curiosité du studieux enfant. Les séductions de la forme concourent alors avec la force originale des pensées. Lucrèce représente l’esprit antique, longtemps « pluraliste », arrivant aux synthèses, et cette considération est énorme pour Rimbaud si épris de l’immense et du logique, si invinciblement porté à l’absolu.