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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

m’engourdir et enfin j’arrive à Ribérac vers deux heures du matin.

Arrivée dans cette petite ville où quelques chandelles achevaient de brûler aux fenêtres, en témoignage de l’allégresse, mais dans une solitude complète. Entrée sous cette remise d’auberge ; prise de possession d’une chambre, où j’ai dormi tout habillé et profondément jusqu'à cinq heures du matin.

17 septembre. — Parti joyeux pour Montmoreau. Réveillé le matin à Ribérac et juché dans le coupé, avec un jeune militaire et un bon Périgourdin qui me parle de son vin ; et tout ce que je vois m’enchante ; le soleil levant donne à cette jolie et riche nature un attrait inexprimable. La ressemblance de ce pays avec ma chère forêt réveille encore des souvenirs délicieux. En traversant des parties de bois, je crois être avec mon cher Charles et le bon Albert, quand nous allions chasser, par la rosée, sous les bois et dans les vignes… Point de description pour de si douces pensées !

Je remarque, de Ribérac à Montmoreau, les vignes grimpant aux arbres ou à des perches qui les soutiennent, à la manière italienne ; cela est fort joli et fort pittoresque, et ferait bien en peinture ; mon voisin le militaire, joli jeune homme, qui revient peu enthousiasmé de la Crimée où il a eu les pieds gelés, me dit que cette méthode n’est pas la meilleure, sinon pour la vigne elle-même, au moins pour les productions