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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

chemin de fer par Ribérac dans une espèce de cabriolet portant les dépêches, et je vais dîner à l’hôtel de France, en face du bureau de la voiture.

Le repas assez médiocre, servi par une fille très piquante, quoique déjà mûre, me fait merveille ; il n’est pas trop gâté par le voisinage de commis voyageurs, dont la langue est la même partout et un mélange curieux d’ineptie et de fatuité ; j’avais déjà déjeuné à Brive quand j’y arrivai de Limoges, en attendant l’heure de partir pour Crose, avec une réunion semblable.

À Périgueux, après dîner et en payant à Mme l’hôtesse mes 3 fr. 50, j’admire la rotondité de sa robe à la mode et cette magnifique toilette qu’elle promène, de la cour à la cuisine et à la salle à manger. Je sors enchanté de tout ce que je voyais et particulièrement de la beauté des femmes que je trouve, dans tous les environs, on ne peut plus piquantes. Je me promène assez tard sur la grande promenade remplie de promeneurs de tous étages, de marchands forains, de musiques, de faiseurs de tours et de loteries. Je trouve même de la vraie beauté, le piquant uni à une grâce et à une correction qui n’est pas dans le Nord et que Paris n’offre jamais.

Enfin, je pars à neuf heures, je crois. Arrangement qui me paraît d’abord impossible et qui finit par aller tant bien que mal ; mon grand manteau me rend grand service, serré, emboîté et enveloppé jusque par-dessus les yeux, de peur du serein ; je finis par