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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

maniéré. Une tête de Van Dyck ou de Rubens, placée à côté de semblables résultats, les place tout de suite dans les rangs les plus secondaires. (Rapprocher ceci de ce que j’ai écrit quelques jours plus tard à Dieppe sur l’imitation naïve et l’influence des écoles.)[1].

La vraie supériorité, comme je l’ai dit quelque part dans ces petits souvenirs, n’admet aucune excentricité. Rubens est emporté par son génie et se livre à des exagérations qui sont dans le sens de son idée et fondées toujours sur la nature.

De prétendus hommes de génie comme nous en voyons aujourd’hui, remplis d’affectation et de ridicule, chez lesquels le mauvais goût le dispute à la prétention, dont l’idée est toujours obscurcie par des nuages, qui portent, même dans leur conduite, cette bizarrerie qu’ils croient un signe de talent, sont des fantômes d'écrivains, de peintres et de musiciens. Ni Racine, ni Mozart, ni Michel-Ange, ni Rubens, ne pouvaient être ridicules de cette façon-là ; le plus grand génie n’est qu’un être supérieurement raisonnable. Les Anglais de l'école de Reynolds ont cru imiter les grands coloristes flamands et italiens ; ils ont cru, en faisant des tableaux enfumés, faire des tableaux vigoureux ; ils ont imité le rembrunissement que le temps donne à tous les tableaux et surtout cet éclat factice que causent les dévernissages successifs qui rembrunissent certaines parties en donnant aux

  1. Voir plus loin, p. 95 et 96.