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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Autre anecdote sur le même Père Antoine. Il réclamait auprès de M. de Villèle pour certains bois qui dominent le couvent, qui, étant la propriété de l’État, mais devant être aliénés, allaient tomber dans la main des particuliers et gêneraient le couvent. Il disait, dans sa demande, qu’un aussi grand ministre ou ministre aussi supérieur, etc., etc., et sur tous les tons, trouverait bien un moyen d’accommoder la loi à cette affaire présente. Berryer le plaisantait un peu sur ses épithètes hyperboliques adressées à M. de Villèle : « Que voulez-vous, lui dit le Père Antoine, nous autres, pauvres moines, nous n’avons pas toujours le compas dans l’œil. »

Nous déchiffrons la Gazza[1]. J’étais encore tout plein de Don Juan de l’autre jour et je ne me trouvais plus d’admiration possible pour le chef-d’œuvre de Rossini. J’ai vu une fois de plus qu’il ne faut rien distraire des belles choses, et encore moins les comparer entre elles. Les parties négligées dans Rossini ne font nullement tort à l’impression dans la mémoire : ce père, cette fille, ce tribunal, tout cela est vivant. Les croque-notes de la princesse, qui ne jurent que par Mozart, ne comprennent pas plus Mozart que Rossini ; cette partie vitale, cette force secrète, qui est tout Shakespeare, n’existe pas pour eux ; il leur faut absolument l’alexandrin et le contrepoint : ils n’admirent, dans Mozart, que la régularité.

  1. La Gazza ladra.