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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

fourmis étaient occupées, à ce qu’il m’a paru, à l’entraîner à la fourmilière que, du reste, on ne voyait, pas aux environs. Je laissai un moment toute cette tragédie et je fus m’établir dans le petit pavillon à boule de cuivre où je m’endormis quelques instants. Au bout d’une demi-heure environ, je revins à mes fourmis. À ma grande surprise, je ne trouve ni fourmis ni insecte !

Berryer me dit, au déjeuner, que les fourmis déchiquetaient ordinairement ces sortes de proies et les emportaient par petits morceaux. Dans le cas que je viens de voir, je ne puis comprendre qu’un pareil déménagement ait pu avoir lieu en si peu de temps.

On a beaucoup philosophé à déjeuner sur les fourmis. Mme Jaubert nous mentionne un livre de M. Huber[1], qui est complet sur leur histoire.

Promenade à Malesherbes : j’adore ces vieilles habitations ; le château laissé à l’abandon ; grandes pièces avec de grands portraits d’ancêtres : tous les Lamoignon et leurs femmes sont encadrés dans les boiseries. Magnifique tapisserie du seizième siècle. Je dessine l’ajustement des brides des chevaux.

Je rejoins la compagnie dans la merveilleuse allée des Charmes. Visite à la chapelle ruinée et abandonnée. Magnifique statue de Balzac d’Entraigues : elle est en pierre ; celle d’un Lamoignon, je crois, en marbre, agenouillé et armé, est dans l’endroit obscur.

  1. Pierre Huber (1777-1840), naturaliste suisse.