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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

5 juillet. — Les dons naturels dépourvus de la culture peuvent ressembler à ce chèvrefeuille charmant de grâce, mais sans odeur, que je vois suspendu aux arbres de la forêt.

8 juillet. — Dîner chez Barbier avec Danican, etc. Le matin avait eu lieu la scène désagréable du frère Barbier, qui les a tous vilipendés dans la rue.

Toutes mes journées sont monotones, mais remplies çà et là des plaisirs vifs que me donne la campagne ; la chaleur est extrême et m’interdit presque entièrement la forêt.

Augerville, 12 juillet. — Parti à deux heures et demie pour Corbeil. Trouvé cet affreux G… qui me dit effrontément avoir la Jeune fille dans le cimetière[1] ; je lui dis qu’elle m’avait été volée, en le regardant d’une manière qui l’a fait rougir.

De Corbeil à Malesherbes, voyagé avec une femme distinguée, dont la conversation était très bien. A Courances, elle se jette dans les bras d’une vieille paysanne qu’elle accable de caresses : c’était la bonne qui l’avait élevée ; j’ai été très touché. La bonne vieille lui avait fait un cadeau qu’elle me montra : c’étaient les souliers d’un tout petit enfant, qui étaient, me dit-elle, ceux de son frère aîné, homme de soixante-quatre ans.

  1. C’est une des premières œuvres de Delacroix que le Catalogue Robaut date de 1823. (Voir no 67.)