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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Millais[1], je ne sais plus lequel, avec nos primitifs, nos byzantins, entêtés de style, qui, les yeux fixés sur les images d’un autre temps, n’en prirent que la raideur, sans y ajouter de qualités propres.

Cette cohue de tristes médiocrités est énorme ; pas un trait de vérité, de la vérité qui vient de l’âme ; pas un seul comme cet enfant qui dort sur les bras de sa mère, et dont les petits cheveux soyeux, le sommeil si plein de vérité, dont tous les traits, jusqu’aux jambes rouges et les pieds, sont singuliers d’observation, mais surtout de sentiment. Les Flandrin, voilà pour le grand style ! Qu’y a-t-il, dans les tableaux de ces gens-là, du vrai homme qui les a peints ? Combien du Jules Romain dans celui-ci, combien du Pérugin ou d’Ingres son maître dans celui-là, et partout la prétention au sérieux, au grand homme… à l’art sérieux, comme dit Delaroche !

Leys, le Flamand[2], me paraît fort intéressant aussi, mais il n’a pas, avec l’air d’une exécution plus indépendante, cette bonhomie des Anglais ; je vois un effort, une manière, quelque chose qui m’inquiète sur la parfaite bonne foi du peintre, et les autres sont au-dessous de lui.

    monde, puis Claudio et Isabelle. « Singulier phénomène, disait Théophile Gautier, à propos de cette exposition de Hunt, il n’y a peut-être pas au Salon une toile déconcertant le regard autant que les Moutons égarés de Hunt. Le tableau qui parait le plus faux est précisément le plus vrai. »

  1. John Everett Millais avait envoyé à l’Exposition universelle de 1855 l’Ordre d’élargissement et le Retour de la colombe à l’arche.
  2. Voir t. II, p. 30, en note.