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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

suçant le lait de Picot[1], et me fatiguant un peu de sa naïve conversation ; mais grâce à sa bonne volonté, je prends l’air, au milieu des plus beaux arbres du monde. La vue de la Seine, de la terrasse d’en bas, est très belle et a même de la grandeur.

Pendant le dîner la pluie recommence avec fureur. Tout était mouillé pendant notre promenade.

15 juin. — Pluie continuelle. Vent furieux, qui n’a pas cessé un instant pendant toute la journée.

Je lis dans la Presse quelques feuillets de Mme Sand, de l’Histoire de sa vie ; elle parle aujourd’hui de ses relations avec Balzac. Elle est forcée, la pauvre femme, de payer un tribut d’admiration à tout le monde. Dans cette prose imprimée de son vivant et adressée à des contemporains, elle parle de lui en des termes bien admiratifs[2]. Elle est forcée de faire une grosse part à toutes ces célébrités de son temps, elle qui vit encore, pour qu’on ne lui reproche pas d’avoir de l’envie ; c’est l’un des mille inconvénients de son entreprise. Elle parle beaucoup des sentiments paternels de de Latouche[3] à son égard, de sa fraternelle

  1. François-Édouard Picot (178(3-1808), élève de Vincent et continuateur des traditions de David ; il est l’auteur d’un grand nombre de peintures officielles, et décora plusieurs églises, notamment Saint-Vincent de Paul, en collaboration avec Flandrin.
  2. Nous ne savons si Delacroix eut connaissance du jugement que George Sand porta sur lui dans l’Histoire de ma vie. Nous l’avons indiqué précédemment. Mais suffit de le relire pour penser que Delacroix, l’ayant connu, n’eût pu en être que satisfait.
  3. Henri de Latouche (1785-1851), littérateur, auteur de nombreux ouvrages du genre le plus varié, de pièces de théâtre et d’articles de