Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/445

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
431
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

quand cet héritage, tombé dans des mains moins habiles, sembla atteint de la langueur dont les plus belles écoles ont donné tour à tour l’exemple, un second renouvellement, semblable pour la fécondité des idées qu’il venait remuer à celui qu’avait opéré David, montra des faces de l’art toutes nouvelles dans l’histoire de la peinture. Après Gros, issu de David, mais original par tant de côtés, Prud’hon alliant la noblesse de l’antique à la grâce des Léonard et des Corrège, Géricault, plus romantique et plus épris à la fois de la vigueur des Florentins, ouvraient des horizons infinis et autorisaient toutes les nouveautés.

12 octobre. — Dieu est en nous. C’est cette présence intérieure qui nous fait admirer le beau, qui nous réjouit quand nous avons bien fait et nous console de ne pas partager le bonheur du méchant. C’est lui sans doute qui fait l’inspiration dans les hommes de génie et qui les enchante au spectacle de leurs propres productions. Il y a des hommes de vertu comme des hommes de génie ; les uns et les autres sont inspirés et favorisés de Dieu. Le contraire serait donc vrai : il y aurait donc des natures chez lesquelles l’inspiration divine n’agit point, qui commettent le crime froidement, qui ne se réjouissent jamais à la vue de l’honnête et du beau. Il y a donc des favoris de l’Être éternel. Le malheur qui semble souvent, et trop souvent, s’attacher à ces grands cœurs ne les