Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/444

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
430
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

4o Une feuille sur laquelle sont deux sujets, dont une Vue de Tancarville.

Augerville, 9 octobre[1]. — Arrivé le mardi.

Il ne faut pas être injuste pour notre nation. Elle a présenté de nos jours, dans les arts, un phénomène dont je ne connais pas d’exemple ailleurs. Après les merveilles de la Renaissance, qui a vu particulièrement la sculpture égaler, surpasser même la sculpture italienne, la France, il faut le dire, a subi la décadence dont l’Italie lui donnait l’exemple, comme elle lui avait donné celui de ses chefs-d'œuvre. Le règne des Carrache, très glorieux encore, a amené pour l’Italie, comme pour la France, une série d'écoles abâtardies dont le Vanloo a été le dernier mot. Il était réservé à notre pays de ramener à son tour le goût du simple et du beau. Les ouvrages de nos philosophes avaient réveillé le sentiment de la nature et le culte des anciens. David résuma, dans ses peintures, ce double résultat. Il est difficile de se figurer ce que fût devenue dans ses mains une nouveauté si hardie pour l'époque où elle se produisit, s’il eût possédé les qualités extraordinaires d’un Michel-Ange ou d’un Raphaël. Elle fut toutefois d’une portée immense au milieu du renouvellement général des idées et de la politique. De grands artistes continuèrent David, et

  1. Cette lettre du 9 octobre et la suivante du 12 octobre se trouvent sur un carnet contenant des croquis pris à Augerville et appartenant à M. Chéramy.