Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/431

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
417
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

se promettre de vivre. Il y a vraiment des existences condamnées à des souffrances particulières, ce qui ne les garantit pas des chagrins et des souffrances qui affligent tous les hommes en général. Le pauvre Félix que vous avez connu, l’oncle de cette même Coquille, s’est vu, avant trente ans, assassiné lentement par une maladie implacable qui le retranchait du nombre des vivants, de son vivant même, en lui interdisant toute espèce de plaisir et en l’accablant de maux incessants.

Tenons-nous bien, cher et respectable ami. Que dans trente ans nous puissions nous revoir encore tantôt à Paris, tantôt à Strasbourg !

Je lisais dernièrement l’histoire du vieux Law, mort sous Charles II à cent quarante et quelques années. Il se portait comme un charme et n’observait aucun régime particulier. Le roi voulut le voir : on l’accabla de prévenances et, entre autres, d’excès de nourriture auxquels il n'était nullement accoutumé ; une indigestion l’emporta. A l’ouverture de son corps, on ne trouva pas un organe malade ou affaibli.

Voilà de beaux exemples à se proposer. Vous voyez que vous avez le temps de faire des projets, pourvu toutefois que les rois ne vous donnent pas d’indigestions. »

J'écris sous la même inspiration à Mme Sand :

« Sachez, ma bien chère amie, que quelques années de trop, qui délient dans l’intelligence cer-