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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

tolérable le séjour de ma chambre pendant que je lisais.

J’ai loué des livres pour huit jours. J’ai mis le nez dans un livre de Dumas intitulé : Trois mois au Sinaï[1]. C’est toujours ce ton cavalier et de vaudeville, qu’il ne peut dépouiller, en parlant même des Pyramides ; c’est un mélange du style le plus emphatique, le plus coloré, avec les lazzi d’atelier qui seraient tout au plus de mise dans une partie d'ânes à Montmorency. C’est fort gai, mais fort monotone, et je n’ai pu aller à la moitié du premier volume.

J’ai pris Ursule Mirouet, de Balzac ; toujours ces tableaux d’après des pygmées dont il montre tous les détails, que le personnage soit le principal ou seulement un personnage accessoire. Malgré l’opinion surfaite du mérite de Balzac, je persiste à trouver son genre faux d’abord et faux ensuite ses caractères. Il dépeint les personnages, comme Henry Monnier, par des dictons de profession, par les dehors, en un mot ; il sait les mots de portière, d’employé, l’argot de chaque type. Mais quoi de plus faux que ces caractères arrangés et tout d’une pièce ? Son médecin et les amis de son médecin, ce vertueux curé Chaperon dont la vie sage et jusqu'à la forme de son habit, dont il ne nous fait pas grâce, reflète la vertu, cette Ursule Mirouet, merveille de candeur dans sa robe blanche et avec sa ceinture bleue, qui convertit à l'église son incrédule d’oncle ?

  1. Le véritable titre de cet ouvrage en deux volumes, paru en 1838, est : Quinze jours au Sinaï, nouvelles impressions de voyage.