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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

J'étais un peu après installé à l’hôtel Victoria sur le port, ainsi que je le désirais, et j’y faisais à six heures le plus détestable dîner avec des rogatons. Les hôtels n’ont eu garde de ne pas adopter la mode des dîners modernes qui font la cuisine en abrégé et vous servent des restes ; ils font au reste comme les grands seigneurs : la cuisine s’en va comme tant de bonnes choses. Je me suis un moment applaudi de cette mauvaise chère, en pensant que je n'éprouverais pas la tentation de manger trop, étant venu ici pour me mettre au régime.

A la jetée après dîner et tout d’un temps, quoique la nuit arrivât. J’ai longé la plage et l'établissement, et ai été visiter les rochers à la gauche des bains ; mais l’obscurité m’a chassé.

19 juillet. — Je passe ma journée presque entière sur la jetée. Je vois sortir le yacht anglais ; j’avais les yeux dessus lorsque est tombé ce malheureux qui s’est noyé et qu’on n’a retrouvé que le lendemain.

Je vais le soir à Saint-Remy ; magnifique effet de cette bizarre architecture éclairée par deux ou trois chandelles fumantes plantées çà et là pour rendre les ténèbres visibles. On ne peut rien voir de plus imposant.

J'éprouve de la satisfaction à me trouver isolé ici, m’occupant de mes petites affaires et me suffisant. J’avais trouvé à la jetée Mme de Lajudie, l’autre fille de Rivet, que le mauvais temps empêche de se baigner.