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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

3 avril. — Fragilité des ouvrages de peinture et autres.

Je lis une Vie de Léonard de Vinci d’un M. Clément (Revue des Deux Mondes, 1er avril 1860). C’est le pendant à une Vie de Michel-Ange, très bonne, du même, publiée l’année dernière. J’y suis frappé surtout de la disparition notée par lui de presque tous ses ouvrages, tableaux, manuscrits, dessins, etc. Il n’y a personne qui ait produit davantage et laissé si peu de chose. Cela me rappelle ce que Lonchamps[1] dit de Voltaire : qu’il ne croyait jamais avoir fait assez pour sa réputation. Un peintre, dont les ouvrages sont uniques, est exposé à bien plus de chances de destruction, ou, ce qui est peut-être pis, d’altération ; il a bien plus de sujet de chercher à produire beaucoup d’ouvrages pour que quelques-uns au moins puissent surnager.

Ce serait un ouvrage curieux qu’un Commentaire sur le traité de la peinture de Léonard. Broder sur cette sécheresse donnerait matière à tout ce qu’on voudrait.

Voir dans cette vie de Léonard la lettre qu’il écrit au duc de Milan, où il lui détaille toutes ses inventions. J’y ai trouvé qu’il avait eu une idée qui répond à celle que j’avais à Dieppe, dans un article sur l’art militaire[2], d’avoir des chariots qui transportent de

  1. Pierre Charpentier de Lonchamps (1740-1817), littérateur, auteur d’un Tableau historique des gens de lettres.
  2. Voir t. II, p 450 et suiv.