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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

3 mars. — Je suis sorti pour la troisième fois hier ; je suis resté une grande demi-heure assis dans le Luxembourg. Aujourd’hui, le temps était aigre, je suis revenu plus tôt.

Par quelle singularité la littérature la plus grave se trouve-t-elle le lot du peuple qui a passé et passe encore pour le plus léger et le plus frivole de la terre ? Les anciens eux-mêmes, qui ont posé les règles des choses de l’imagination dans tous les genres, ne présentent point d’exemples d’un sentiment aussi soutenu de l’ordre. Il y a un certain décousu dans les ouvrages des plus beaux génies de l’antiquité ; ils divaguent volontiers. Comme ils ont droit à tous nos respects, nous leur passons tous leurs écarts. Nous ne sommes pas d’aussi bonne composition pour nos hommes de talent. Un livre mal fait dans son ensemble ne peut se sauver par la beauté des détails, ni même par l’ingénieuse conception de l’ouvrage lui-même. Il faut que toutes les parties, ingénieuses ou non, concourent dans une certaine mesure à la connexion du tout, et par contre il faut, dans un ouvrage bien ordonné et logiquement conduit, que les détails n’en déparent point la conception. Quand une pièce de théâtre avait entraîné le public à la représentation, l’auteur n’avait rempli que la moitié de sa tâche ; il fallait que l’ouvrage, comme on disait, se soutînt à la lecture.

Il est probable que Shakespeare n'était guère soucieux de cette seconde partie de son obligation envers