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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

qui feront durer les ouvrages des écoles primitives.

David a commencé par abonder dans cette manière ; c'était celle de l'école dont il sortait. Dénué, je crois, d’une originalité bien vive, mais doué d’un grand sens, né surtout au déclin de cette école et au moment où l’admiration quelque peu irréfléchie de l’antique se faisait jour, grâce encore à des génies médiocres comme les Mengs et les Winckelmann, il fut frappé, dans un heureux moment, de la langueur, de la faiblesse de ces honteuses productions de son temps ; les idées philosophiques qui grandissaient en même temps, les idées de grandeur et de liberté du peuple se mêlèrent sans doute à ce dégoût qu’il ressentit pour l'école dont il était issu. Cette répulsion, qui honore son génie et qui est son principal titre de gloire, le conduisit à l'étude de l’antique. Il eut le courage de refouler toutes ses habitudes ; il s’enferma pour ainsi dire avec le Laocoon, avec l’Antinoüs, avec le Gladiateur, avec toutes les mâles conceptions du génie antique. Il eut le courage de se refaire un talent, semblable en ceci à l’immortel Gluck, qui, arrivé à un âge avancé, avait renoncé à sa manière italienne, pour se retremper dans des sources plus pures et plus naïves. Il fut le père de toute l'école moderne en peinture et en sculpture ; il réforma jusqu'à l’architecture, jusqu’aux meubles à l’usage de tous les jours. Il fit succéder Herculanum et Pompéi au style bâtard et Pompadour, et ses principes eurent une telle prise sur les esprits, que son école ne lui fut