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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

loppement des lignes que comporte le génie antique, convenaient à une société opprimée et sans cesse sur le qui-vive.

Que nous veulent donc ces constructeurs de bâtiments à la mode du Paris du quinzième siècle ? Ne semble-t-il pas qu'à chacune de ces meurtrières qu’ils appellent des fenêtres, nous allons voir à chaque instant des hommes l’arquebuse à la main, ou que nous allons voir retomber une herse derrière les portes garnies de gonds formidables et de clous menaçants ?

Les architectes ont abdiqué ; il en est qui se défient d’eux-mêmes et de leurs confrères à ce point qu’ils vous disent avec une espèce de candeur qu’il n’y a plus d’inventeurs, et même que l’invention n’est plus possible.

Il faut donc se rejeter dans le passé, et comme, suivant eux, le goût antique a fait son temps, ils s’inspirent du gothique qui leur semble presque du neuf dans leur rajeunissement, à cause de la désuétude dans laquelle il était tombé, et se jettent dans le gothique pour paraître nouveaux. Quel gothique et quelle nouveauté ! Il en est qui avouent naïvement que le cercle est fermé, que les proportions grecques les fatiguent par leur monotonie ; qu’il n’y a plus de retour que dans celles des monuments des siècles de barbarie ; encore, s’ils se servaient des proportions de cet art qu’on croyait enseveli en y joignant quelques lueurs d’une invention propre !… Ils n’inventent pas, ils calquent le gothique.