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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

dier l’agonie d’un homme expirant sur une croix), comme il était le plus grand artiste ; mais comment se forma tout à coup son style à la suite des tâtonnements d'écoles qui sortaient à peine des langes d’une timide enfance, et quelle influence ce style prodigieux a eue sur tout ce qui la suivi.

Le lecteur se trouvera aussi dispensé de retrouver pour la millième fois l’histoire ridicule du Corrège, mais il apprendra peut-être avec plaisir ce que les nombreux historiens des artistes célèbres n’ont pas redit assez : c’est combien les pas que ce grand homme a fait faire à la peinture ont été surprenants, et combien, sous ce rapport, il se rapproche de Michel-Ange lui-même.

16 janvier. — Dictionnaire (Pour la Préface du). Un dictionnaire de ce genre sera relativement nul s’il est l’ouvrage d’un seul homme de talent ; il serait meilleur encore, ou plutôt il serait le meilleur possible, s’il était l’ouvrage de plusieurs hommes de talent, mais à la condition que chacun d’eux traite son sujet sans la participation de ses confrères. Fait en commun, il retomberait dans la banalité[1], et ne

  1. Toujours extrait du même fragment : « Il faut presque en venir à cette conclusion que plus le dictionnaire sera fait par des hommes médiocres, plus il sera vraiment un dictionnaire, c’est-à-dire un recueil des théories et des pratiques ayant cours. De là une banalité d’aperçus complète. Un article ne pourra présenter une certaine originalité, c’est-à-dire émaner d’un esprit ayant des idées en propre, sans trancher avec ceux qui ne font que résumer les idées de tout le monde sur la matière. » (Eugène Delacroix, sa vie et ses œuvres, p. 432.)