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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

me remettre encore ; j’espère que le repos profond dont je jouis ici avec mon bon parent dissipera ce malaise. Quel que soit l'état de la santé, et en l’absence de plaisirs plus vifs, le seul changement de lieu suffit pour procurer un grand agrément. Cette ville semble bien primitive ou, si vous voulez, bien arriérée en comparaison de Paris.

Je n’entends parler qu’allemand ; cela me rassure un peu sur la crainte d'être troublé dans mes promenades par la rencontre de connaissances importunes ; mais où ne rencontre-t-on pas des importuns ? Je lis, je dors beaucoup, je me promène un peu et je jouis infiniment du tête-à-tête de mon cousin, dont j’aime l’esprit et l’expérience, et qui a précisément les mêmes goûts que moi : cela va durer ainsi jusqu'à ce que j’aille joindre pour peu de jours seulement mon brave cousin de Champagne, qui se trouve sur ma route pour retourner à Paris.

Tout cela me conduira jusqu’au 10 septembre environ, et Dieu veuille qu’alors j’aie repris assez de forces pour me remettre à mon travail, que je désirais pousser cet automne.

Comment allez-vous ? Comment gouvernez-vous votre imagination ? Car c’est là le grand point : on est heureux quand on croit l'être, et si votre esprit, au contraire, est ailleurs, toutes les distractions du monde ne font rien pour la satisfaction. Je suis sûr que vous seriez rafraîchie par la vue de ces bonnes campagnes et de ces belles promenades qui commencent