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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

a laissé dans son style des traces qui ne se sont jamais effacées ; imitation de l’antique et des maîtres qui l’avaient précédé, mais en se dégageant par degrés des langes dont il les avait trouvés enveloppés ; imitation de ses contemporains et des écoles étrangères, telles que l’Allemand Albert Dürer, le Titien, Michel-Ange, etc.

Rubens a imité sans cesse, mais de telle sorte qu’il est difficile de…[1].

Imitateurs. On peut dire de Raphaël, de Rubens, qu’ils ont beaucoup imité, et l’on ne peut sans injure les qualifier d’imitateurs. On dira plus justement qu’ils ont eu beaucoup d’imitateurs, plus occupés à calquer leur style dans de médiocres ouvrages, qu'à développer chez eux un style qui leur fût propre. Les peintres qui se sont formés en imitant leurs ouvrages, mais qui ont calqué le style de ces grands hommes dans leurs ouvrages propres et qui n’en ont reproduit que de faibles parties[2] par défaut d’originalité…

  1. Inachevé dans le manuscrit.
  2. Dans cette même étude sur Raphaël, le maître ajoutait à propos des imitateurs : « Il y a plusieurs manières d’imiter : chez les uns, c’est une nécessité de leur nature indigente qui les précipite à la suite des beaux ouvrages. Ils croient y rallumer leur flamme sans chaleur, et appellent cela y puiser de l’inspiration… Chez les autres, l’imitation est comme une condition indispensable du succès. C’est elle qui s’exerce dans les écoles sous les yeux et sous la direction d’un même maître. Réussir, c’est approcher le plus possible de ce type unique. Imiter la nature est bien le prétexte, mais la palme appartient seulement à celui qui l’a vue des mêmes yeux et l’a rendue de la même manière que le maître. Ce n’est pas là l’imitation chez Raphaël. On peut dire que son originalité ne parait jamais plus vive que dans les idées qu’il emprunte. Tout ce qu’il touche, il le relève, et le fait vivre d’une vie nouvelle. C’est bien lui qui semble alors reprendre ce qui lui appartient, et féconder des germes stériles qui n’attendaient que sa main pour donner leurs vrais fruits. » (Revue de Paris, t. II, 1830.)