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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Grande conversation avec Lenormant[1] jusqu’à dix heures à l’établissement.

1er août. — Le matin, meilleure disposition ; encore au chemin de Saint-Loup et fait un croquis que j’ai colorié dans la journée.

2 août. — Après dîner, une des plus délicieuses promenades que j’aie faites ici : j’étais dispos, l’esprit tranquille, tout me charmait. J’ai fait un croquis de la ferme Jacquot et, plus haut sur la route près de la table ronde de pierre, une vue générale de la vallée[2]. Admiré encore le fond sauvage avec bouleaux, sources et rochers.

Je ne pouvais m’arracher à tout cela : quel charme grandiose ! Et personne près de moi n’y prenait garde. Je rencontrais à chaque instant des groupes : les hommes ne s’entretenaient que d’argent ; je l’ai remarqué.

Revenu lentement achever la soirée à l’établissement. J’y trouve Mme Marbouty[3] ; conversation jusqu’à dix heures passées. Elle a des révélations : un esprit lui parle et lui dicte des choses merveilleuses.

  1. Charles Lenormant (1802-1859), archéologue et historien, fut successivement inspecteur des Beaux-Arts, conservateur du Musée des antiques, professeur au Collège de France, directeur du Correspondant, membre de l’Académie des inscriptions, etc. C’était un homme fort instruit, doué d’un goût très vif pour les arts.
  2. Le Val d’Ajol, vu de la Feuillée Dorothée.
  3. Mme Marbouty, plus connue en littérature sous le nom de Claire Brunne, auteur de nombreux romans et de pièces de théâtre.