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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

sis[1], charmante personne qui me fait promettre décrire à Mme Sand. Elle est sur le point de m’embrasser dans la soirée quand je lui dis que je ne crois pas à cette petite personne appelée âme dont on nous gratifie.

Le bon général Parchappe veut m’avoir à dîner pour le lendemain. Je promets malgré le rhume.

25 mai. — Dîné chez Mme Parchappe. Mme Franchetti qui s’y trouve vient d’arriver ce jour même pour s’installer chez Minoret. Elle est forcée d’accepter l’hospitalité de Mme Parchappe sous peine de coucher sur des matelas mouillés.

26 mai. — Je songe, en ébauchant mon Christ descendu dans le tombeau[2], à une composition analogue qu’on voit partout du Barocci[3] ; et je songe en même temps à ce que dit Boileau pour tous les arts :

  1. Probablement Mme Arnould-Plessy, la célèbre comédienne, qui peut-être désirait obtenir un rôle dans une pièce de George Sand, et qui, connaissant les excellentes relations d’Eugène Delacroix avec celle-ci, l’avait prié d’intervenir en sa faveur.
  2. Delacroix a plusieurs fois répété ce sujet, qu’il affectionnait. (Voir Catalogue Robaut, no 1034.) A propos de cette composition, Baudelaire écrit : « Dites-moi si vous vîtes jamais mieux exprimée la solennité nécessaire de la Mise au tombeau. Croyez-vous sincèrement que Titien eût inventé cela ? Il eût conçu, il a conçu la chose autrement ; mais je préfère cette manière-ci. Le décor, c’est le caveau lui-même, emblème de la vie souterraine que doit mener longtemps la religion nouvelle ! Au dehors, l’air et la lumière qui glisse en rampant dans la spirale. La mère va s'évanouir, elle se soutient à peine. »
  3. Le Christ porté au tombeau, tableau qui se trouve dans l'église de Sinigaglia.