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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Pourquoi ai-je délaissé[1] cette occupation, qui me coûte si peu, de jeter de temps en temps sur ces livres ce qui se passe dans mon existence et surtout dans mon cerveau ? Il y a nécessairement dans des notes de ce genre, écrites en courant, beaucoup de choses qu’on aimerait plus tard à n’y pas retrouver. Les détails vulgaires ne se laissent pas exprimer facilement, et il est naturel de craindre l’usage que l’on pourrait faire, dans un temps éloigné, de beaucoup de choses sans intérêt et écrites sans soin.

9 avril. — De la correspondance de Voltaire avec le cardinal de Bernis[2] : « Cette tragédie (celle de Calas) ne m’empêche pas de faire à Cassandre toutes les corrections que vous m’avez bien voulu indiquer : malheur à qui ne se corrige pas, soi et ses œuvres ! En relisant une tragédie de Mariamne que j’avais faite il y a quelque quarante ans, je l’ai trouvée plate et le sujet beau ; je l’ai entièrement changée ; il faut se corriger, eût-on quatre-vingts ans. Je n’aime point les vieillards qui disent : — J’ai pris mon pli. — Eh ! vieux fou, prends-en un autre ; rabote tes vers si tu en as fait,

  1. On pourra remarquer que, durant les périodes de production, le Journal est presque toujours incomplet. C’est surtout quand il voyage, quand il est aux eaux, en villégiature chez un ami, à Dieppe par exemple, qu’il se plaît à y écrire : c’est ainsi que ses séjours à Augerville chez Berryer, où il ne peignait presque jamais, sont autant d’occasions pour lui de noircir des feuillets. En revanche, à Paris il écrit peu : c’est ce qui explique que l’on trouve en somme assez peu d’indications sur ses compositions picturales, et que le Journal soit à ce point de vue un insuffisant commentaire de son œuvre d’artiste.
  2. Lettre du 21 juillet 1762.