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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

mais calculés de manière que les accessoires bruns, tels que vêtements, barbe, chevelures, tranchent en brun pour enlever les objets du premier plan. C’est ce qui est très remarquable dans le Watteau ; il y a même plusieurs parties qui ont la même valeur que leurs fonds respectifs. Ainsi les bas des souliers gris ou jaunâtres ne sortent du terrain que par des parties légèrement plus foncées, etc. Il faudrait d’autres Watteau pour étudier l’artifice de son effet.

Dans mon Watteau, les arbres du fond, quoiqu'à un plan peu reculé, sont extrêmement clairs : il ne s’y trouve pas un seul ton, non plus que dans les tombeaux, qui rivalise même de loin pour la vigueur avec ceux du premier plan. Il en résulte même un défaut de liaison que je trouve choquant quand je le compare avec mon Trajan ; chaque petite figure est isolée, et on voit trop clairement qu’elle a été faite à loisir, indépendamment de ses voisines.

C’est aujourd’hui, après y avoir réfléchi ce matin dans mon lit, que j’ai donné à Haro l’idée qui peut mettre sur la voie de la peinture des Van Eyck, le problème consistant d’une part dans le moyen à prendre pour éviter la trop grande quantité d’huile dans les couleurs, et de l’autre dans celui d’ajouter du vernis en quantité correspondante. Je lui ai dit de renverser le problème : on broierait les couleurs avec un vernis qui permettrait de conserver les couleurs fraîches, et on ajouterait de l’huile en peignant. Il est très frappé de mon idée.