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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Il semble donc qu’un homme impartial ne devrait écrire qu’en deux personnes pour ainsi dire : de même qu’il y a deux avocats pour une seule cause. Chacun de ces avocats voit tellement les moyens qui militent en faveur d’un adversaire, que souvent il va au-devant de ces moyens ; et quand il rétorque les raisons qu’on lui objecte, c’est par des raisons tout aussi bonnes et qui au moins sont spécieuses. D’où il suit que le vrai dans toute question ne saurait être absolu ; les Grecs, qui sont la perfection, ne sont pas aussi parfaits ; les modernes, qui offrent plus de défaillances ou de fautes, ne sont pas aussi défectueux que l’on pense et compensent par des qualités particulières les fautes et les défaillances dont l’antique paraît exempt.

Je trouve, dans de vieilles notes d’il y a quatre ans[1], mon opinion sur le Titien. Ces jours-ci, sans me les rappeler, mais sous des impressions différentes, je viens d’en écrire d’autres.

D’où je conclus qu’il faudrait presque qu’un homme de bonne foi n'écrivît un ouvrage que comme on instruit une cause ; c’est-à-dire, un thème étant posé, avoir comme un autre personnage en soi qui fasse le rôle d’un avocat adverse chargé de contredire.

— Sur l’instabilité des renommées des grands hommes.

  1. Voir t. II, p. 470 et suiv.