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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

toute nette et se développant d’elle-même. Le travail difficile ne s’applique, dans l’homme de talent, qu'à faire passer les endroits faibles. Comme tout est faible chez les hommes d’un faible talent, tout étant le produit de la réflexion ou de réminiscences plus que de l’inspiration, ces lacunes sont moins sensibles. Toutes les parties de leur ouvrage insipide sont l’objet d’un travail opiniâtre et soutenu. Une nature avare leur fait payer cher leur moindre trouvaille. Aux hommes mieux doués le ciel donne pour rien les idées heureuses et frappantes ; c’est à les mettre en lumière le mieux possible que s’applique pour eux le travail.

28 février. — (Je relis cela. Le rapporter à ce que j’ai écrit au commencement de l’année 1860 sur le même sujet[1] ; mais avec une conclusion différente ; non pas que je ne trouve toujours l’antique aussi parfait, mais en le comparant avec les modernes, notamment dans des médailles de la Renaissance, dans les ouvrages de Michel-Ange, du Corrège, etc., je trouve dans ces derniers un charme particulier que je n’ose pas dire qui soit dû à leurs incorrections, mais à une sorte de piquant indéfinissable qu’on ne trouve pas dans l’antique, lequel vous donne une admiration plus tranquille. Les anciens embrassaient moins d’objets.)

L’art grec était fils de l’art égyptien. Il fallait toute la merveilleuse aptitude du peuple de la Grèce

  1. Voir t. III, p. 371 et suiv.