18 février. — Chabrier et sa femme venus vers trois heures.
23 février. — Les anciens sont parfaits dans leur sculpture. Raphaël[1] ne l’est pas dans son art. Je fais cette réflexion à propos du petit tableau d’Apollon et Marsyas[2]. Voilà un ouvrage admirable et dont les regards ne peuvent se détacher. C’est un chef-d'œuvre sans doute, mais le chef-d'œuvre d’un art qui n’est pas arrivé à sa perfection. On y trouve la perfection d’un talent particulier avec l’ignorance, résultat du moment où il a été produit. L’Apollon est collé au fond. Ce fond avec ses petites fabriques est puéril : la naïveté de l’imitation l’excuse, et le peu de connaissance qu’on avait alors de la perspective aérienne. L’Apollon a les jambes grêles : elles sont d’un modelé faible ; les pieds ont l’air de petites planches emmanchées au bout des jambes : le cou et les clavicules sont manqués, ou plutôt ne sont pas sentis. Il en est
- ↑ Delacroix écrivait en 1830 dans la Revue de Paris, où il avait donné une longue étude sur Raphaël : « Raphaël n’a pas plus qu’un autre atteint la perfection, il n’a pas même, comme c’est l’opinion commune, réuni à lui seul le plus grand nombre de perfections possible ; mais lui seul a porté à un si haut degré les qualités les plus entraînantes et qui exercent le plus d’empire sur les hommes : un charme irrésistible dans son style, une grâce vraiment divine, qui respire partout dans ses ouvrages, qui voile les défauts et fait excuser toutes ses hardiesses. »
- ↑ Peinture sur bois de l'école italienne, dont il est difficile d'établir exactement l’auteur. Acheté en 1850 à la vente de la galerie de M. Duvernay par un savant amateur anglais, M. Morris Moore, ce tableau fut exposé à Paris en 1859. Depuis quelques années il fait partie des collections du Louvre (Salon carré).