Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

J’ai été ramené par le cicerone, qui montait sur le siège de mon fiacre, par le lieu où s'élève la croix de Lorraine, à l’endroit où fut tué Charles le Téméraire, dans un lieu qui était autrefois l'étang de Saint-Jean. Ce détour m’a pris un temps que j’eusse préféré passer au Musée.

— Au Musée, où mon tableau[1] est placé trop haut et privé de lumière. Toutefois il ne m’a pas déplu.

Beaux Ruysdaël. Grand tableau hétéroclite dans le style de Jordaëns, et non sans une verve sauvage, de la Transfiguration, tableau en large où l’on a reproduit et par conséquent délayé, à cause de cette disposition en largeur, les principaux groupes de Raphaël.

Deux tableaux, esquisses probablement de Rubens, qui m’ont frappé plus que tout, non qu’ils présentent dans toutes leurs parties la franchise de la main de Rubens, mais il y a ce je ne sais quoi qui n’est qu'à lui. La mer, d’un bleu noir et tourmenté, est d’une vérité idéale. Dans le Jonas jeté hors de la barque, le monstre du devant semble remuer et battre l’eau de la queue. On le distingue à peine dans l’ombre du devant, au milieu de l'écume et des vagues noires et pointues. Dans l’autre, le saint Pierre a une pose froide ; mais l’admirable de cet homme, c’est que

  1. Ce tableau est la Bataille de Nancy, qui figura au Salon de 1834, et fut donné par l'État au Musée de Nancy. 11 figura aussi à l’Exposition de l’École des Beaux-Arts en 1885. (Voir Catalogue Robaut, no 353.)