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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

De là à l'église de Bon-Secours, où est le tombeau de Stanislas. Charmant ouvrage dans son genre : c’est une grande chambre carrée plutôt qu’une église. Dans le chœur, à droite, le tombeau de Stanislas que j’estime plus que n’a fait, suivant la tradition, le propre auteur de l’ouvrage. Cet auteur est Vassé[1], sculpteur dont parle Diderot, et qu’il cite souvent, autant que je peux m’en souvenir. Le bavard et insupportable cicérone sacristain qui me montrait l'église raconte que le pauvre sculpteur se brûla la cervelle de désespoir de voir son ouvrage surpassé par le tombeau de la femme de Stanislas qui est en face. Il y a dans son ouvrage une statue couchée, ou plutôt étendue et abîmée de douleur, de la Charité, qui est fort belle : la tête est d’une expression qui semble interdite à la sculpture, tant elle est énergique ; elle presse contre elle un enfant qui suce son sein ; tout cela admirablement rendu, les mains, les pieds de même. Stanislas est représenté dans une espèce de déshabillé, comme on peut le supposer au moment de sa mort. Il mourut brûlé par accident dans sa chambre.

Le tombeau qui est en face présente des figures, d’enfants surtout, d’un travail plus fini et plus précieux ; mais en somme je préfère celui du pauvre Vassé. J’inclinerais à penser qu’il est d’un Italien[2].

  1. Louis-Claude Vassé (1716-1772), sculpteur, élève de Puget et de Bouchardon.
  2. Ce tombeau est attribué à Lambert-Sigisbert Adam (1700-1759).