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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Ce sont les dieux lares de Nancy.

Nous avons été voir ensuite l'église des Cordeliers, dans laquelle est une chapelle ronde qu’on appelle les tombeaux des ducs de Lorraine, quoique leurs corps en aient été arrachés et que les sarcophages aient été détruits et remplacés à la moderne. La prétendue chapelle ronde est octogone : la voûte seule, qui paraît de l'époque de la construction, est d’un style bâtard, à la Louis XIV. Le chœur de l'église est garni de belles boiseries ; sur les côtés de la nef, dans des enfoncements, sont divers tombeaux de princes de la maison de Lorraine ; le plus précieux sans contredit est celui de la femme de René II, laquelle lui survécut de longues années et s'était mise dans un couvent à Pont-à-Mousson : les mains et la tête en pierre blanche, la robe et le voile en granit et en marbre noir. Voilà le triomphe de l’art ou plutôt du caractère qu’un artiste de talent sait imprimer à un objet : une vieille de quatre-vingts ans dont la tête est encapuchonnée, maigre à faire peur ; et tout cela représenté de manière qu’on ne l’oublie jamais et qu’on n’en puisse détacher les regards.

De là, à la promenade dont j’ai oublié le nom, auprès de la préfecture ; je ne connais rien d’aussi délicieux, si ce n’est l’Orangerie de Strasbourg, et très différent de caractère. Ce sont de grands arbres, de la verdure, quelque chose qui n’a rien de l’aridité des Champs-Élysées à Paris, ni de la symétrie des Tuileries. La préfecture est le palais qu’habitait Stanislas.