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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Les modernes ont inventé un genre qui réunit tout ce qui doit charmer l’esprit et les sens. C’est l’opéra. La déclamation chantée a plus de force que celle qui n’est que parlée. L’ouverture dispose à ce qu’on va entendre, mais d’une manière vague : le récitatif expose les situations avec plus de force que ne ferait une simple déclamation, et l’air, qui est en quelque sorte le point admiratif de chaque scène, complète la sensation par la réunion de la poésie et de tout ce que la musique peut y ajouter. Joignez à cela l’illusion des décorations, les mouvements gracieux de la danse.

Malheureusement tous les opéras sont ennuyeux, parce qu’ils vous tiennent trop longtemps dans une situation que j’appellerai abusive. Ce spectacle, qui tient les sens et l’esprit en échec, fatigue plus vite. Vous êtes promptement fatigué de la vue d’une galerie de tableaux : que sera-ce d’un opéra qui réunit dans un même cadre l’effet de tous les arts ensemble ?

— Je remarque dans cette forêt que non seulement les yeux sont mon seul moyen pour saisir les objets, mais encore qu’ils sont affectés agréablement ou désagréablement[1].

Lundi 18 mai. — Repris enfin la peinture après plus de quatre mois et demi. J’ai débuté par le Saint

  1. Cette dernière phrase est biffée dans le manuscrit.