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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Le stupide public abandonne aujourd hui Rossini pour Glück, comme il a abandonné autrefois Glück pour Rossini ; une chansonnette de l’an 1500 est mise au-dessus de tout ce que Cimarosa a produit. Passe pour ce stupide troupeau à qui il faut absolument changer d’engouement, par la raison qu’il n a de goût et de discernement sur rien ! mais des hommes de métier, artistes ou à peu près, qu’on qualifie d’hommes supérieurs, sont inexplicables de se prêter lâchement à toutes ces sottises…

16 mars. — C’est à partir de ce jour que j’ai été pris d’indisposition et forcé d’interrompre tout travail pendant un assez long temps.

23 mars. — Je remarque ce matin, en examinant des croquis[1] que j’ai faits d’après des figures de la galerie d’Apollon (sculptures sur les corniches) et copiés d’après le livre gravé que Duban m’avait prêté, l’incorrigible froideur de ces morceaux. Je ne peux l’attribuer, malgré la largeur d’exécution, qu’à l’excessive timidité, qui ne permet jamais à l’artiste de s’écarter du modèle, et cela dans des figures accroupies sur des corniches et dans lesquelles la fantaisie était plus que permise.

C’est par amour de la perfection que ces figures

  1. Ces croquis datent de 1849, époque à laquelle Delacroix fut chargé de peindre la partie centrale de la galerie. (Voir Catalogue Robaut, nos 1107 à 1118.)