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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

4 février. — Pour faire partie de la préface du Dictionnaire.

Je désirerais contribuer à apprendre à mieux lire dans les beaux ouvrages[1]. A Athènes, dit-on, il y avait beaucoup plus de juges des Beaux-Arts que dans nos modernes sociétés. Le grand goût des ouvrages de l’antiquité confirme dans cette opinion. L’artiste qui travaille pour un public éclairé rougit de descendre à des moyens d’effet désavoués par le goût.

Le goût a péri chez les anciens, non pas à la manière d’une mode qui change, — effet qui se produit à chaque instant sous nos yeux et sans cause absolument nécessaire, — le goût a péri chez les anciens avec les institutions et les mœurs, quand il a fallu plaire à des vainqueurs barbares, comme ont été, par exemple, les Romains par rapport aux Grecs ; le goût

  1. Nous trouvons dans le livre sur Delacroix, déjà si souvent cité, un passage relatif à ce projet de Dictionnaire des Beaux-Arts qui précise bien l’intérêt d’un tel ouvrage et l’esprit dans lequel il devait être fait, en même temps qu’il le différencie des autres ouvrages, qui sont les vrais dictionnaires et avec lesquels il importe de ne point le confondre : « Si vous risquez, dit-il, dans l’ouvrage d’un seul homme de ne pas vous trouver au courant de tout ce qu’on peut dire sur le sujet, en revanche vous aurez sur un grand nombre de points tout le suc de son expérience, et surtout des informations excellentes dans les parties où il excelle. Au lieu d’une froide compilation qui ne fera que remettre sous les yeux du lecteur un extrait de toutes les méthodes, vous aurez celles qui ont conduit un tel homme à la perfection relative à laquelle il est arrivé. Il n’est pas un artiste qui n’ait éprouvé dans sa carrière combien quelques paroles d’un maître expérimenté ont pu être des traits de lumière et des sources d’intérêt bien autres que ce que ses efforts particuliers ou un enseignement vulgaire… etc. » (Eugène Delacroix, sa vie et ses œuvres, p. 432.)