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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

dans la musique. Les Allemands et les Italiens ont eu dans leurs arts des qualités tranchées dont les unes sont souvent antipathiques aux autres : les Français semblent avoir cherché de tout temps à concilier ces extrêmes en atténuant ce qu’ils semblaient avoir de discordant. Aussi leurs ouvrages sont-ils moins frappants. Ils s’adressent à l’esprit plus qu’au sentiment. Dans la musique, dans la peinture, ils viennent après toutes les autres écoles, apportant à petites doses dans leurs œuvres une somme de qualités qui s’excluent chez les autres, mais qui s’allient chez eux grâce à leur tempérament.

Sentiment. Le sentiment fait des miracles. C’est par lui qu’une gravure, qu’une lithographie produit à l’imagination l’effet de la peinture elle-même. Dans ce grenadier de Charlet, je vois le ton à travers le crayon ; en un mot, je ne désire rien de plus que ce que je vois. Il me semble que la coloration, que la peinture me gênerait, nuirait à l’effet de l’ensemble. Le sentiment, c’est la touche intelligente qui résume, qui donne l'équivalent.

Chefs-d'œuvre. Voir mes notes du 21 février 1856[1].

Intérêt (suite)[2]. Les écoles ne voient tour à tour de perfection que dans une seule espèce de mérite. Elles condamnent tout ce que les maîtres à la mode ont condamné. Le dessin est aujourd’hui à la mode : encore n’est-ce qu’une seule espèce de dessin !

  1. Voir t. III, p. 132 et suiv.
  2. Voir t. III, p. 244.