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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

peu apparente, la main de l’ouvrier se dérobe si complètement, que les routes qu’il a prises pour arriver à cette perfection restent un mystère. Il reste de lui des préparations de tableaux, mais dans des sens différents : les unes sont de simples grisailles, les autres sont comme charpentées à grandes touches avec des tons presque crus ; c'était ce qu’il appelait faire le lit de la peinture. (C’est ce qui manque particulièrement à David et à son école.) Mais je ne pense pas qu’aucune puisse mettre sur la voie des moyens qu’il a employés pour le conduire à cette manière toujours égale à elle-même qui se remarque dans ses ouvrages finis, malgré des points de départ aussi différents.

L’exécution du Corrège présente à peu près le même problème, quoique la teinte en quelque sorte ivoirée de ses tableaux et la douceur des contrastes donnent à penser qu’il a dû presque toujours commencer par de la grisaille. (Parler de Prud’hon, de l'école de David ; dans cette école l'ébauche est nulle, car on ne peut donner ce nom à de simples frottis qui ne sont que le dessin un peu plus arrêté et recouverts ensuite entièrement par la peinture.)

Pensée. (Première pensée.) Les premiers linéaments par lesquels un maître habile indique sa pensée contiendront le germe de tout ce que l’ouvrage présentera de saillant. Raphaël, Rembrandt, le Poussin, — je nomme exprès ceux-ci parce qu’ils ont brillé surtout par la pensée, — jettent sur le papier quelques