Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/204

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

n’y a rien cle beau dans une médecine, ni dans les propriétés d’un triangle, et que nous n’appelons beau que ce qui cause à notre âme et à nos sens du plaisir et de l’admiration. »

Sur le Titien[1]. — On fait l'éloge d’un contemporain dont la place n’est pas marquée encore ; ce sont même souvent les moins dignes d'être loués qui sont l’objet des éloges. Mais l'éloge du Titien !… On me dira que je rappelle ce jurisconsulte dévot qui avait fait le Mémoire en faveur de Dieu

Il se passe de mes éloges[2]… sa grande ombre…

Il semble effectivement que ces hommes du seizième siècle ont laissé peu de chose à faire : ils ont parcouru le chemin les premiers et semblent avoir tou-

  1. Tout ce passage sur le Titien a une très grande importance pour quiconque veut suivre, en l’approfondissant, le développement esthétique de Delacroix. Il présente un double intérêt, tant au point de vue du jugement en lui-même, qui précise le dernier état de son opinion sur le maître vénitien, qu’au point de vue du contraste de cette opinion avec celles qu’il avait précédemment émises. Il n’est point d’artiste en effet sur le compte duquel il ait autant varié que Titien. On se rappelle certains passages, notamment une page sur l’Ensevelissement, à laquelle nous n’avons voulu croire qu’après l’avoir collationnée minutieusement sur les manuscrits originaux. Tout ce début de l’année 1857 est donc une véritable réparation à la mémoire du grand Vénitien.
  2. La disposition de ce passage, la concision avec laquelle les idées sont jetées, sans souci de forme définitive ni de phrases terminées, marque suffisamment l’intention qu’avait Delacroix de revenir sur ce sujet et de le traiter avec les développements qu’il comporte. Il indique à la hâte, se réservant d’y insister, les principaux points de vue auxquels on pouvait les reprendre. Il n’est pas jusqu'à cet essai de Dictionnaire des Beaux-Arts auquel nous allons arriver et qui constitue l’intérêt capital de cette publication, qui ne nous apparaisse comme un canevas, comme une brève esquisse destinée à se transformer en études suivies.