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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Thiers, Cousin, la duchesse d’Istrie, une Mme de Léotaud, et un M. de Beaumont[1] qui fait partie du jury de l’Exposition ; fort aimable et convenable de tous points, et bon appréciateur de toutes choses.

En sortant, chez Fould. Bal. Figures de coquins de toute espèce.

— Cousin, au dîner, avait raconté l’anecdote suivante : Louis XIV avait tenu un conseil particulier entre Louvois, Turenne, Condé et lui, sur un plan de campagne, en recommandant un secret absolu ; huit jours après, il lui revient que son plan est connu. Interpellant Turenne, il le lui dit et ajouta, connaissant son inimitié pour Louvois : « Ce sera ce coquin de Louvois ! » Turenne répond : « Non, Sire, c’est moi. » À cela le Roi lui dit : « Vous l’aimez donc toujours ! »

30 janvier. — Chez Mme de Lagrange. Je suis arrivé malheureusement de bonne heure, c’est-à-dire à dix heures. Qui croirait que c’est encore une heure indue le soir à Paris ?

J’ai trouvé là le vieux Rambuteau[2] qui est aveugle et qui me dit, quand on lui dit qui j’étais, qu’il

  1. Adalbert de Beaumont, peintre et littérateur, qui exposa à plusieurs Salons et écrivit dans divers journaux et revues des articles sur les questions d’art.
  2. Le comte de Rambuteau (1781-1869) avait été préfet de la Seine sous la monarchie de Juillet. Ce fut lui qui commença dans Paris les travaux d’embellissement qui devaient plus tard, sous l’administration du baron Haussmann, transformer la capitale.