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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

9 janvier. — Dîné enfin chez la princesse[1], après avoir refusé deux fois, je crois, à cause de mon malaise, suite de la grippe. — Se rappeler une sonate de Mozart quelle joue seule.

Berryer y est venu, ainsi que les dames de Vaufreland. Il m’a mené chez Mme de Lagrange, à qui je devais une visite depuis le dîner que j’y avais fait il y a longtemps déjà, le jour où j’avais causé longuement avec la princesse.

— Magnifique sujet : Noé sacrifiant avec sa famille après le déluge : les animaux se répandent sur la terre, les oiseaux dans les airs ; les monstres condamnés par la sagesse divine gisent à moitié enfouis dans la vase ; les branches dégouttantes se redressent vers le ciel[2].

20 janvier. — Chez Viardot[3]. Musique de Gluck chantée admirablement par sa femme.

Le philosophe Chenavard ne disait plus que la musique est le dernier des arts ! Je lui disais que les paroles de ces opéras étaient admirables. Il faut des grandes divisions tranchées ; ces vers arrangés sur ceux de Racine et par conséquent défigurés, font un effet bien plus puissant avec la musique.

  1. La princesse Marcellini Czartoryska.
  2. Ce sujet de tableau n’a pas été traité par Delacroix.
  3. Louis Viardot (1800-1883), littérateur. On lui doit un grand nombre de traductions d’ouvrages espagnols et russes. Il avait en 1841 fondé avec George Sand et Pierre Leroux la Revue indépendante et pris un moment la direction du théâtre italien à la salle Ventadour en 1838. C’est là qu’il connut la célèbre cantatrice Pauline Garcia, qui devint sa femme en 1840.