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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

et j'étais revenu tout le long des boulevards. Aujourd’hui, j’ai été chez Guérin, que je n’ai pas trouvé, et je suis entré à Notre-Dame.

Chez Baroche ; lui écrire.

Le soir, dormi après dîner, malgré toutes sortes de projets.

Je devais, dans la journée, aller chez Mesnard, au Sénat. Rencontré Ravaisson[1], à qui j’ai promis d’envoyer les deux dessins de Chenavard, place du Palais-Bourbon, 6.

Le matin, j’avais été chez mon cher Guillemardet. Il me remet un paquet de mes lettres écrites anciennement à Félix ; il est facile d’y voir combien l’esprit a besoin des années pour se développer dans les vraies conditions. Il me dit qu’il y voit déjà le même homme que je suis aujourd’hui. Plus de mauvais goût et d’impertinence que d’esprit, mais il faut que ce soit ainsi. Ce désaccord singulier entre la force de l’esprit qu’amène l'âge et l’affaiblissement du corps, qui en est aussi la conséquence, me frappe toujours et me paraît une contradiction dans les décrets de la nature. Faut-il y voir un avertissement que c’est surtout vers

  1. Jean-Gaspard-Félix Ravaisson-Mollien, philosophe et archéologue, né en 1813. Ses travaux sur Atistote l’avaient fait remarquer de M. de Salvandy, qui le choisit comme chef de son cabinet, quand il fut ministre de l’instruction publique en 1837. Nommé quelque temps plus tard inspecteur général des bibliothèques publiques, puis en 1853 inspecteur général de l’enseignement supérieur, il devint, en 1862, conservateur du Musée du Louvre. Il appartient depuis 1839 à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, et depuis 1881 à l’Académie des sciences morales et politiques.