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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

auréole ; j’aime à le voir ; il n’est plus le Rossini moqueur d’autrefois.

J’y trouve la bonne Alberthe, sa fille et Mareste ; c’est Boissard qui m’avait conduit.

11 janvier. — Aller chez Perpignan avant le conseil. — Chez Philippe Rousseau[1], si je peux. — Chez Mouilleron. — Je suis resté chez moi.

12 janvier. — (Le dîner du préfet.) Au lieu de dîner chez le préfet, j’ai été chez Mme Sand, voir au cirque sa pièce de Favilla[2]. Excellente donnée que la pauvre amie n’a pas fait ressortir. Je crois que malgré les belles parties de son talent, elle ne parviendra jamais à faire une pièce[3] ; les situations périssent entre ses mains : elle ne connaît pas le point intéressant. Le point intéressant, tout est là ; elle le noie dans des détails et émousse continuellement l’impression qui devrait résulter de la science des caractères. Cette situation d’un fou aimable, qui se croit le maître d’un château où on le tolère, devait être une excellente occasion de comique ou de pathétique ; elle ne se doute pas le moins du monde de ce qui lui manque.

  1. Philippe Rousseau (1808-1&87), peintre, élève de Gros et de Bertin. A l’Exposition de 1855, il avait obtenu une médaille de 2e classe.
  2. Maître Favilla, drame en trois actes, de George Sand, représenté pour la première fois sur le théâtre de l’Odéon le 15 septembre 1855.
  3. Delacroix s’est étendu à maintes reprises sur l’impuissance dramatique de George Sand. (Voir t. II, p. 283.)