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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

que sa venue va compromettre mon voyage à Alberville ; il n’en est rien, il a lui-même des affaires. Je pars toujours demain.

Il reste à déjeuner avec moi et revient dîner ; je m’acquitte avec lui de ses déboursés pour les réparations du tombeau de mon frère, à Bordeaux.

Augerville, 7 novembre. — Parti pour Augerville : j’arrive à la gare à huit heures et demie au lieu de neuf heures et demie, sur l’indication que m’avait donnée Berryer ; je passe cette heure sans m’ennuyer à voir arriver les partants. Je sais attendre plus qu’autrefois. Je vis très bien avec moi-même ; j’ai pris l’habitude de chercher moins qu’autrefois à me distraire par des choses étrangères, telles que la lecture, par exemple, qui sert ordinairement à remplir des moments comme ceux-là. Même autrefois, je n’ai jamais compris les gens qui lisent en voyage. Dans quels moments sont-ils avec eux-mêmes ? Que font-ils de leur esprit qu’ils ne retrouvent jamais ?

Ce voyage que je redoutais, à cause du froid que mon rhume me rend plus désagréable, s’est bien passé et même gaiement. J’aime assez, quelquefois, ce changement d’habitudes. Ne trouvant pas, chez Brunet, près de la gare, de voiture disponible, je me suis fait conduire à Fontainebleau, où je me suis arrangé avec M. Bernard, rue de France.

J’ai déjeuné dans un café borgne, vu l'église et me suis embarqué joyeusement. Il me fallait autrefois un