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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

12 octobre. — Je reçois une lettre de Mme de Forget. Elle a voyagé seule dans le Midi et n’a pu me répondre à Strasbourg, vu le peu de temps que je lui donnais.

La mer est plus belle que je ne l’ai encore vue, les lames très espacées et régulières ; je trouve à la jetée John Lemoinne[1], que je ne reconnaissais pas d’abord avec son chapeau de voyage sur les yeux et sa tenue de touriste maritime. Il me dit que le bombardement d’Odessa va faire autant de tort aux Anglais qu’aux Russes, mais que nous les mettons un peu en demeure de s’y porter de bonne grâce.

Je reste longtemps à la jetée, puis longtemps sur le port, où je m’assieds tout simplement sur une échelle, à regarder des pêcheurs et leurs bateaux. Je me reprends d’ardeur pour les étudier : je ne puis me détacher de les regarder.

Dans l’intention de retourner à la jetée et ne voulant pas rentrer, j’entre au Café suisse qui fait le coin de la grande rue et je lis les Débats. Il y avait justement un article de John Lemoinne sur les annonces dans les journaux anglais.

Je vais ensuite aux bains m’informer de Guérin[2]. Il arrive ordinairement le vendredi soir. Jenny était venue avec moi.

Rentré avec elle, après achats divers, et resté à

  1. John Lemoinne (1814-1892), qui était entré à vingt-six ans à la rédaction du Journal des Débats, était un des plus brillants journalistes de l'époque.
  2. Le chirurgien Jules Guérin. (Voir t. II, p. 427 et note.)